Les bronzes du IVe siècles dit de "Monnéron".

Vendus sur internet par "Monnéron" (pseudo), des petits bronzes du IVe siècle ont déclenché sur le net une polémique internationale. Les membres de Forvm Ancient Coins ( http://www.forumancientcoins.com ) concluant presque à l'unanimité à leur non authenticité. Mais voilà, ces monnaies ont été examinées par de nombreux experts de part le monde et bon nombre de ces experts renommés ont conclu à leur authenticité. Il nous a, dès lors, parut intéressant de faire la lumière sur cette histoire et de synthétiser ici tous les arguments avancés à ce sujet.

"Monnéron" nous a contacté et nous a fait parvenir un lot conforme à notre demande. Ce lot comprend des monnaies extrêmement proches de celles illustrées sur le forum américain et il ne fait aucun doute qu'elles appartiennent au même ensemble. Elles proviennent, selon lui, d'un trésor découvert dans le centre de la France, il y a quelque 30 ou 35 ans. Ce trésor de plusieurs centaines de monnaies, contenu dans plusieurs pots en terre, comprenait des bronzes de Constantin I et II, Crispus, Licinius, Constance II, Constance Galle, Décence, Magnence et quelques Julien. Notons que Constantin I était le plus représenté, constituant la grande majorité du trésor, principalement à partir des frappes de 320 environ. L'ensemble contenait très peu de Licinius, de Julien, de Constance Galle, de Décence et de Magnence.

A) Etude de l'ensemble et des arguments  :

1) Le style :

• Le style de l'ensemble : L'un des arguments développés sur le forum américain, est que le style des monnaies est homogène pour différents règnes, ateliers et officines, l'ensemble semblant sortit de l'atelier d'un même graveur. Nous avons donc examiné étroitement les monnaies sur le plan du style. En ce qui concerne les revers, comme nous pouvons le voir sur l'image ci-dessous, les visages des personnages ne se ressemblent pas. Ils sont en effet gravés dans des styles clairement différents, en accord avec ceux des ateliers de l'époque, comme nous le verrons dans la suite de notre étude.

• Les légendes : Les américains soutiennent que les lettres de tous les coins, de Constantin à Magnence semblent avoir été gravées par la même main. Encore une fois nous avons examiné les monnaies en détail, plus particulièrement les lettres "R". La première lettre de la photographie, caractéristique, avec sa boucle triangulaire, se retrouve fréquemment sur les bronzes de Constantin frappés à Arles. Si on retrouve une lettre du même style pour l'atelier de Siscia, force est de constater que les lettres sont également de styles différents, ce qui ne semble pas du tout correspondre avec l'idée d'un graveur unique qui aurait fabriqué tous ces coins à notre époque.

Nous avons constaté, pour une monnaie de Constantin, frappée à Arles, une disposition particulière du début de la légende d'avers. La légende est très droite, presque verticale et très peu bombée. Ce "défaut" se retrouve sur de nombreuses monnaies d'Arles semblant démontrer qu'il s'agit de monnaies frappées avec des coins gravés par un même ouvrier. Sur ces mêmes monnaies les sourcils de l'empereur ont parfois étés réalisés en pointillés. Ce fait est cohérent pour des monnaies sorties du même atelier. Par contre, nous n'avons pas remarqué ces caractéristiques pour d'autres ateliers, ni pour d'autres règnes... L'hypothèse d'un même graveur pour toutes les monnaies est donc une fois encore mise à mal ! Notons que nous avons retrouvé d'autres monnaies sorties de l'atelier d'Arles, et dont l'authenticité n'est pas discutée, qui ont cette même caractéristique au début de la légende d'avers.

 

• Le style des monnaies : Les monnaies sont du bon style pour l'atelier auquel elles sont attribuées. Les portraits des empereurs sont également cohérents avec ceux d'autres exemplaires, dont l'authenticité ne fait aucun doute, et sortis des mêmes ateliers.

 

2) La frappe  :

  • Il ne fait aucun doute que les monnaies ont été frappées.
  • Les flans : Les flans ont été jugés trop similaires par certains membres du forum américain. En effet, les flans sont assez semblables mais ils ont bien toutes les caractéristiques de flans authentiques. Ils sont irréguliers, présentent des micros craquelures et semblent tout à fait authentiques. De même leurs diamètres, leurs épaisseurs et leurs poids sont loin d'être constants.

La tranche de différentes monnaies :

  • Les liaisons de coins : Ce point mériterait une attention plus particulière, mais nous n'avons pas eu l'occasion d'examiner ce sujet en profondeur. Il s'avère cependant que sur la centaine d'exemplaires étudiés par les experts de CGB, quatre-vingt dix d'entre elles avaient été frappées avec autant de coins différents. Notons que les 21 monnaies que nous avons examinées ne montraient pas de liaison de coins.

 

3) Le contenu du trésor  :

  • Nombre de coins, nombre de monnaies  : Selon le vendeur, si l'on prend pour l'avers les variantes de légendes, de bustes, (laurés, diadémés, buste nu, drapés, cuirassés, drapés et cuirassés) et enfin tous les revers avec les différents ateliers et officines, cela fait plusieurs centaines de monnaies différentes. Nous ajouterons que ceci correspond bien avec nos observations, et que si l'on ajoute le nombre de coins différents, ce nombre de monnaies est encore augmenté. A notre grand regret il semble qu'aucune étude n'ait été faite sur le sujet et nous ne connaissons malheureusement pas le nombre exact de monnaies contenues dans ce trésor.

  • Les imitations : Le trésor contenait quelques imitations dites "barbares", mais nous n'avons pas eu l'occasion d'en étudier. Il est à noter que des liaisons de coins existent pour ces imitations, ce qui n'est pas commun. Ceci mènerait à penser que ces imitations furent produites non loin de la région où fut retrouvée ce trésor.

  • Monnaies rares et intéressantes : Les américains avaient notés que ce trésor était curieusement surtout constitué de monnaies rares et intéressantes. Force est de constater que les monnaies communes sont présentes aussi et nous supposons en large proportion. Les assez rares monnaies d'Arles semblent fréquentes dans ce trésor, mais ceci n'est pas significatif étant donné la proximité de cet atelier et du lieu de découverte.

  • Usure : Au premier abord, avant de recevoir les monnaies, il nous semblait que l'état général des exemplaires était trop exceptionnel. En fait, à réception, nous avons constaté qu'il y avait aussi des monnaies usées, dans des états de conservation plus fréquents. L'usure de cette monnaie semble tout à fait cohérente et non artificielle.

 

4) La patine  :

  • Le coeur du débat, la "patine" verte semble sur photo très artificielle et très proche des fausses patines utilisées sur des copies de monnaies anciennes. De visu la patine brune est quant à elle très naturelle. Les américains soutiennent que cette patine verte n'existe pas à l'état naturel, nous ne somme quant à nous pas persuadés de cet état de chose. Ce qui retient par contre notre attention, c'est que nous voyons mal un faussaire utiliser autant d'énergie à fabriquer des copies parfaites, à les revêtir d'une patine brune plus que réaliste et à gâcher enfin tout son travail par une patine verte que tous jugerons d'un aspect peu naturel.
  • Le vert-de-gris et les cristaux : des cristaux de vert-de-gris adhèrent fortement à certaines monnaies. Ceci nous apparaît extrêmement difficile à imiter !!!

  • Aspect avant nettoyage : Le vendeur nous a confié la photographie d'une monnaie avant nettoyage. N'étant pas habitués à ce genre de patine et n'ayant pas eu cette monnaie en main, nous vous laissons le soin de vous faire votre propre opinion :

  • Pots : Le vendeur nous a également fourni des photographies de deux des pots qui contenaient les monnaies. Ces pots semblent bien d'époque, ils conservent les traces des monnaies, et même une monnaie encore attachée, visible sur une des photographies. Nous n'avons pas examiné les récipients personnellement et ne pouvons donc conclure à leur authenticité. Par contre, nous constatons que l'un des pots a été cassé puis recollé. Ce fait est également cohérant : en effet les pots dans lesquels on retrouve de grands ensembles de monnaies sont généralement retrouvés cassés, le "travail" des monnaies se concrétionnant exercent une forte pression sur les bords de ces récipients. Ceci n'était pas connu du vendeur.

 

  • Traces d'argenture : Certains membres de Forvm Ancient Coins avaient notés sous la patine des traces d'argenture. Nous n'avons pas constaté de traces semblables sur les monnaies étudiées par nos soins. Notons que ce type d'argenture ne serait pas si extrêmement difficile à imiter grâce à certains produits qui laissent une argenture à froid. Ce point ne nous parait donc pas probant.

 

5) Le vendeur  :

  • Certes ces monnaies ont été jugées douteuses par différents américains qui en ont beaucoup parlés sur leur forum, au point d'atteindre 12 pages à ce jour, certes les monnaies ont toutes été vendues par le même vendeur, sous le même pseudonyme... Mais posons nous la question, si il vendait des fausses monnaies en connaissance de cause, garderait-il le même pseudonyme, tout en sachant que la polémique à son sujet est grande outre Atlantique ?

 

6) L'avis des experts  :

  • Barry P Murphy, numismate américain réputé ayant travaillé 11 ans chez Classical Numismatic Group avant de fonder sa propre maison de vente : Pense que les monnaies sont fausses. Nous ne savons pas si il les a examinées directement. D'autres membres de Forvm Ancient Coins tels que Jeff Clark, spécialiste des monnaies de la fin de l'empire romain et Warren Esty ont condamné ces monnaies.
  • David Sear, , numismate réputé, auteur de plusieurs ouvrages numismatiques, auquel un membre du forum américain a envoyé une de ses monnaies achetée à Monnéron a délivré un certificat d'authenticité pour cette monnaie.
  • Le British Muséum : a examiné 12 monnaies ( 8 frappes officielles et 4 imitations "barbares"). Les huit officielles ont été déclarées authentiques. En ce qui concerne les imitations, ils n'ont pas trouvé de signes permettant d'affirmer qu'il s'agissait de copies modernes et leur procédé de fabrication leur a semblé absolument compatible avec des monnaies antiques. Les coins utilisés étaient par contre inconnus ou non répertoriés, à part pour une monnaie du groupe qui doit donc être regardée comme étant authentique.
  • CGB : Les experts de chez CGB, Laurent Schmitt et Michel Prieur ont examiné ces monnaies, concluant à leur authenticité. Plusieurs de ces monnaies ont d'ailleurs été mises en vente dans la vente 24 de CGB et Laurent SCHMITT a écrit un article les concernant dans le bulletin numismatique de CGB N° 12.

 

7) La rentabilité  :

  • Comme nous l'avons constaté, il semble assez évident que ces monnaies sont authentiques, mais envisageons une seconde qu'elles sortent de l'atelier d'un faussaire de génie connaissant parfaitement les monnaies de cette époque et tout particulièrement les ateliers d'Arles et de Lyon ... Le prix de reviens d'une telle production n'aurait de sens que dans un pays où la main d'oeuvre est particulièrement bon marché... certainement pas en France où se trouvent la plupart des spécialistes de ces ateliers, mais plutôt en Bulgarie, ou dans un autre pays de l'Est. Trouvons nous dans ces pays de tels experts du IVe siècle. Même en Bulgarie, ces monnaies sont peu recherchées. Nous savons qu'elles sont imitées, mais le jeux vaut il la chandelle de cette énorme dépense d'énergie consistant à étudier en profondeur la production de divers ateliers antiques et à pousser la perfection aussi loin. En effet, plusieurs monnaies identiques ont été frappées avec des coins différents. Est il pensable de graver plusieurs coins pour frapper deux monnaies semblables de très faible valeur. Nous l'avons vu, le nombre de coins gravé doit être de plusieurs centaines. Cette dépense de temps et d'énergie considérable nous semble plus envisageable pour des monnaies de grande valeur que pour des petits bronzes du IVe siècle.

 


 

B) Conclusions  :

Si nous avons douté à la vue des photographies présentées sur Forum Ancien Coins, l'examen approfondi, et de visu, de ces monnaies laisse peu de place au doute. S'il s'agit copies modernes, nous avons sous les yeux le travail du faussaire le plus génial de notre époque ! Nous serions alors en présence des fausses monnaies les plus redoutables jamais apparues sur le marcher, d'autant plus redoutables qu'il s'agit de monnaies souvent communes et bon marché. Notre avis est que ces monnaies sont bel et bien authentiques. Nous remercions le vendeur, Monnéron, qui a bien voulu mettre à notre disposition ces monnaies afin de faire la lumière sur cette étrange affaire.

 

Frederic Weber, Octobre 2005.


C) Liens :

CGB : Bulletin 12 : http://www.bncgb.net/pdf/bn012.pdf

Numis Média : http://numis-media.com/forum/viewtopic.php?t=754

Invictus coins : http://invictuscoins.tibercorp.com/Monneron/index.htm

Constantine the great : http://www.constantinethegreatcoins.com/monneron/monneron.html

Yahoo group : http://groups.yahoo.com/group/CoinForgeryDiscussionList/message/8599

Forvm Ancient Coins : http://www.forumancientcoins.com/board/index.php?topic=9428.0

 

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